Ce matin, alors que jouais au Tetris avec ma liste de priorités du jour en essayant de faire entrer 8 heures de travail en 5, je me suis soudainement arrêtée. En déplaçant des tâches de mardi à mercredi ou à jeudi, est-ce que je démontre de l’efficacité ou de la paresse? Les jours de Miss Parfaite seraient-ils comptés? Suis-je passée d’efficace à perfectionniste à paresseuse? Que se passe-t-il?

Miss Parfaite, ON SE CALME. On respire par le nez. On passe à la prochaine activité sur la liste…

La distraction n’a pas fonctionné. En revenant de conduire mes amours au CPE, je pensais à ma liste et la question m’est revenue : reporter des tâches d’une journée à l’autre est-ce une manifestation d’efficacité, de paresse ou même de procrastination?

La question m’obsède.

Le temps d’arrêt pour être plus efficace

«On dit que l’oisiveté est la mère de tous les vices. Mais qui dit qu’il faut toujours faire quelque chose? Il semble, de façon générale, que notre société moderne et dite évoluée tend à inclure l’inactivité sous toutes ses formes dans la compréhension du mot «paresse». Dans le monde du travail, l’occupation à outrance se confond avec efficacité et productivité.» Voilà ce qu’écrit Johanne Bernatchez, psychologue au Service de psychologie et d’orientation de l’Université de Sherbrooke dans son billet «La paresse, l’oisiveté et autres vices ».

Je crois qu’elle marque un point. Aujourd’hui, l’immobilisme est synonyme de paresse et est devenue une source de conflits en milieu de travail. On préfère les gens qui s’agitent beaucoup à ceux qui pensent beaucoup et par conséquent, qui ont l’air immobile alors que leur cerveau fonctionne à toute allure. OK, je m’agite. Je m’agite beaucoup. Mais je prends le temps de réfléchir, d’où mes listes. Mais je ne suis pas encore satisfaite de cette réponse…

Madame Bernatchez répond cependant en partie à ma question en écrivant «Est-ce que l’efficacité passe nécessairement par le déploiement d’actions énergiques?» «L’éternel équilibre entre l’action et l’arrêt. Le voyage et l’escale. Le yin et le yang évoqueront certaines philosophies orientales. Il semble que le temps à ne rien faire ou certaines formes d’oisiveté ne sont peut-être pas aussi improductives qu’il n’y paraît à première vue. En effet, le temps d’arrêt semble permettre une autre forme de travail d’où peut provenir résolution, récupération ou encore création.»

OK. Ça va pour le moment de réflexion. Revoir ma liste de tâches à accomplir est un moment d’arrêt qui me permet de me recentrer sur mes priorités et sur les activités à faire. C’est productif. Donc efficace. Mais suis-je paresseuse ?

La paresse, une vertu ?

Voilà le titre d’un billet écrit par Damien Goy, Professionnel du contrôle interne et des questions éthiques en entreprise, dans Agora du Management. Selon Monsieur Goy, «Le paresseux a également de grands talents pour prioriser, ne mettre que le strict nécessaire sur le haut de la pile. C’est un être terriblement efficient et efficace! Il m’est arrivé et m’arrive encore régulièrement de trouver de très bonnes idées/solutions et d’économiser des heures de travail par paresse… Je suis certain que vous aussi !»

Mouais. J’avoue qu’il m’arrive de régler ou de contourner des problèmes avec des solutions simples et efficaces pour me rendre plus vite à la ligne d’arrivée. Je mettais cela sur le compte de ma capacité à comprendre et à analyser le problème pour en extraire l’essence ce qui me permettait d’apporter des solutions simples à des problèmes complexes. Je n’ai jamais mis ça sur le compte de la paresse. Finalement, la paresse est peut-être une vertu?

Perfectionnisme et procrastination

«Notre perfectionnisme nous amène à continuellement repousser certaines tâches. Pas toutes, juste celles qui prennent du temps et/ou sont importantes.» Voilà un énoncé de Nicolas Pène, qui me semble plus en lien avec mon questionnement.

Oeuvrant dans le domaine du développement personnel et de la philosophie de vie, Monsieur Pène fait le rapprochement entre la procrastination et le perfectionnisme. Et je suis encline à lui donner raison. Le perfectionnisme peut être paralysant. À force de poursuivre un idéal de perfection, on peut se perdre dans les détails et une tâche devient si complexe qu’on la reporte, faute de temps ou d’énergie à lui consacrer.

Il est cependant important de souligner que les plus difficiles clients des perfectionnistes sont les perfectionnistes eux-mêmes car ils se mettent une pression supplémentaire pour atteindre des standards très élevés qu’ils ont eux-mêmes décrétés. Pas reposant d’être perfectionniste !

Être efficace et autonome

Lors d’une entrevue accordée à Travail-domicile.biz, Gilles Tervier, coach pour entrepreneurs, a fait ressortir plusieurs constats intéressants sur l’organisation du travail du travailleur autonome. Par exemple, Monsieur Tervier considère qu’il «est en fait irréaliste de penser qu’on peut réaliser plus de 4 heures de travail réellement concentré en une journée. Se fixer des journées de 8 heures ou plus pour se rendre compte chaque jour qu’on n’arrive pas à travailler plus de 3 heures est terriblement stressant et déprimant. Cela nous mène à « occuper » le temps à des tâches sans importances ou à culpabiliser.»

Culpabiliser? Mon questionnement serait-il lié à la culpabilité? Mais la culpabilité de quoi au juste? De ne pas avoir réussi à tout faire ce qu’il y avait originalement sur ma liste ou d’avoir osé reporter des tâches au lendemain?

En fait, je me rends compte que c’est ma conception du temps qui est erronée. Les critères que j’utilise pour préparer mes listes ne tiennent pas compte du temps réel que je peux accorder à mon travail, au bénévolat et à ma famille. Ma liste ressemble plus à une liste de souhaits que je n’ai d’autres choix que de modifier selon les circonstances. Bien que l’avantage principal d’être pigiste soit un meilleur contrôle sur l’utilisation de notre temps, il n’en demeure pas moins que nous tentons de tout compartimenter, comme au bureau. Cette façon de voir le travail nuit à notre performance.

Monsieur Tervier nous invite à «prendre conscience que le temps réel de travail (concentré sur les tâches importantes) excède rarement 4 heures par jour, même chez les personnes les plus performantes. Il est donc inutile (et contreproductif) de culpabiliser pour cela.»

Ah! Là est mon problème. Je tente de réaliser 8 heures de travail en 5. Alors qu’en fait, je ne travaillerai réellement que 4 heures, selon Monsieur Tervier. Ma liste me voue à l’échec puisque j’y consigne assez de tâches pour m’occuper le double de cela.

Est-ce que la liste est un outil de gestion à proscrire ?

Moi qui suis une adepte des listes, je dirais que non. Cependant, il faut adapter nos listes à notre réalité. Quand j’étais directrice des communications et du marketing à temps plein et que je n’avais pas d’enfant, j’avais un système de listes qui me convenait parfaitement. Je me rends compte, au fil de mes lectures, que mon système de listes n’est plus adapté à ma nouvelle vie de pigiste, de maman et d’aidante naturelle. Il y a beaucoup plus d’imprévus dans cette vie. Mes listes se devront de refléter cette réalité.

Donc, si je résume bien ce que j’ai appris :

  • Les listes sont efficaces en autant qu’elles soient adaptées à notre réalité quotidienne.
  • Les listes doivent contenir de 3 à 5 tâches afin de permettre la complétion de celles-ci et nous donner un sentiment de réussite plutôt que de générer un sentiment d’échec ou de culpabilité.
  • Notre liste de tâches quotidiennes devrait prévoir 4 heures de travail intensif. Nous serons toujours assaillis d’imprévus.
  • Le temps d’arrêt pour réfléchir à nos prochaines actions et préparer nos listes est constructif. Il ne s’agit ni de paresse ni de procrastination.
  • Le report d’activités au lendemain et au surlendemain n’est pas malsain. Au contraire, ce report nous permet d’être plus efficaces en acceptant que les interruptions fassent partie de la vie et en nous permettant de rencontrer nos échéanciers.
  • Le perfectionnisme a ses bons côtés mais il peut mener à la procrastination. Il faut se donner des balises claires et atteignables. Personne n’est parfait. La vie est un processus d’apprentissage.
  • La paresse peut mener à la créativité et à l’efficacité. En fait, je me dis c’est en partie l’antidote au perfectionnisme 🙂 .

Finalement, Miss Parfaite est organisée ascendant perfectionniste paresseuse née dans un univers gouverné par les mots efficacité et efficience. C’est si simple…

Et vous, avez-vous l’impression que le temps vous file entre les doigts et que vous n’arrivez pas à atteindre vos objectifs? Quelle méthode utilisez-vous pour organiser vos journées?